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La Peste d'Albert Camus, 1947


Difficile est la tâche d’écrire à propos d’une telle œuvre, avec un manque si cruel d’expérience et d’analyse. Qui suis-je, diront peut-être certains, pour parler de Camus et de sa Peste avec cette absence de style ? Vais-je apporter ma contribution avec mon avis, sûrement critiquable, de cette œuvre ? Je vais en tout cas essayer de faire de mon mieux. 
« … l’habitude du désespoir est pire que le désespoir lui-même. »
Il y a déjà deux semaines que j’ai fini La Peste, narrant l’histoire d’Oran dans les années 40 où la peste - évidemment, ai-je envie de dire ?, fait rage. Ce fût mon premier Camus et très certainement pas le dernier, tant j’ai apprécié le style de l’auteur. Je regrette simplement de l’avoir lu trop rapidement à mon goût.
Le récit se déroule en cinq parties de longueurs inégales. Alors que la première ne fait qu’installer le cadre spatio-temporel, décrire la banalité de la ville et des hommes, des rats qui s’y trouvent, c’est véritablement dans la deuxième partie que le récit de la peste en ville commence, doucement. Elle est décrite de plus en plus durement jusqu’à la quatrième partie, où selon moi, l’horreur de la peste atteint son paroxysme. Avec une ambiance lourde et difficile, dans un décor sec et chaud, Camus décrit les morts, la mise en quarantaine, les amours impossibles, les enterrements expéditifs, les cris de détresse, l’espoir parfois, mais aussi les parcelles de vie : un homme en contemplant un autre, crachant sur des chats, à la fenêtre d’un hôtel.
On ne peut s’empêcher d’y voir une certaine analogie de la Seconde Guerre mondiale, encore proche à la sortie de ce texte en 1947. Chaque élément rappelle l'horreur du nazisme. Tout est analysable dans ce sens, aucun détail n’est laissé au hasard, la peste est le nazisme qui recouvre la France occupée, comme Oran l’est. 
Cependant, comme tout bon écrivain de XXe siècle, Camus excelle pour nous décrire avec des mots forts ce qui fait l’essence de l’homme, qui se trouve une fois de plus mis à l’épreuve : dans la ville enfermée, prisonnière d’un mal qui la consume presque entièrement, la nature humaine se retrouve face à ses forces et ses faiblesses, qui prennent vie au travers de nombreux personnages qui ne se veulent pas romanesques et qui n’en sont alors qu’encore plus vrais, humains
Au-delà de l’analyse courante qu’on fait de ce texte - une analogie de la Seconde Guerre mondiale, cette histoire a une portée bien plus universelle et intemporelle et résonne en chacun de nous avec ses vérités énoncées simplement, sans morale aucune. Ici, Camus répond à cette question simple, mais pourtant essentielle : Que se passe t-il quand l’homme se voit privé de ses libertés et se retrouve donc seul, face à lui-même (dans cette sorte de solitude que les anglais appellent loneliness) ?
En présentant des personnages aux caractères presque trop communs, Camus évite une pensée manichéenne et aspire simplement à dépeindre la conduite de l’homme apeuré dans une ville mise en quarantaine, avec sa fragilité naissance, son désir de se battre, son égoïsme, son amour vain. Tout est dit, dans ces quelques pages, sur l’homme et ses contradictions. 

« Le mal qui est dans le monde vient presque toujours de l'ignorance, et la bonne volonté peut faire autant de dégâts que la méchanceté si elle n'est pas éclairée. »
Camus, avec ces mots justes, me frappe et me hante en racontant l’atrocité de la guerre. Cependant, l'élément central de ce roman, la privation de la liberté et la solitude, fait de ce livre un récit permanent, universel, et incroyablement juste.

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